Risques côtiers : comment Callendar a cartographié l’avenir des territoires face à la montée des eaux
- tlaconde
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Avec le changement climatique, l’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière s’accélèrent, menaçant les infrastructures, les habitats et les activités économiques des zones littorales. Selon le 6ᵉ rapport du GIEC, plus d’un milliard de personnes pourraient être exposées aux aléas côtiers d’ici 2050. Avec ses près de 20.000 kilomètres de côtes (dont 5500 environ en métropole), le littoral français est en première ligne. Entre élévation du niveau de la mer, érosion côtière et aggravation des événements climatiques extrêmes, les territoires côtiers font face à un défi majeur.
Pourtant, jusqu’à présent, jusqu'à présent il n'existait pas d'outils permettant d'anticiper ces risques de façon exhaustive, les zonages existants étant limités à certaines zones urbanisées ou entretenant une distinction artificielle entre les risques d'inondation, de submersion et de recul du trait de côte. Pour combler ce vide, Callendar a développé et mis en œuvre sur l'ensemble du territoire français une méthodologie d’évaluation des risques côtiers à l’échelle de la parcelle cadastrale, offrant une vision sans précédent de l’exposition aux aléas marins.
Une méthodologie complète d'étude des risques côtiers, fondée sur les dernières données scientifiques
L’approche de Callendar repose sur l'évaluation de trois types de risques et de leur évolution au cours des prochaines décennies :
la submersion marine permanente liée à l’élévation progressive du niveau de la mer sous l'effet du réchauffement climatique,
les inondations côtières temporaires causées par les tempêtes et les grandes marées mais aggravées par l'élévation du niveau de la mer,
le recul du trait de côte, c'est-à-dire le recul progressif ou brutal de la limite entre la terre et la mer sous l'effet de l’érosion côtière.
Contrairement à d'autres risques climatiques, comme la chaleur ou le risque incendie, qui varient peu à petite échelle, les risques côtiers sont très locaux : selon la géologie ou le relief, deux bâtiments situés à une dizaine de mètres l'un de l'autre peuvent avoir des expositions très différentes. Afin d'obtenir une évaluation réaliste, l'étude oit donc être réalisée à une échelle très fine. Nous avons choisi la parcelle cadastrale.
Les risques ont été analysés, parcelle par parcelle, sur l'ensemble du cadastre. Soit près de 100 millions d'évaluations !
Méthode d'évaluation du risque de submersion permanente
L'existence d'un risque de submersion est évalué par comparaison de l'altitude de la parcelle avec le niveau de la mer à l'horizon de temps étudié.
L’altitude d’une parcelle est estimée en calculant la position de son centre géométrique (ou centroïde) à partir de la géométrie cadastrale, puis en évaluant l'altitude de ce point à partir des données d'altimétrie de l'IGN. Ce jeu de données, particulièrement précis dans les zones côtière grâce à l’utilisation de mesure LIDAR, permet de limiter au maximum les erreurs.
Le niveau de la mer à marée haute est calculée en ajoutant :
La hauteur des marées astronomiques, considérée comme indépendante de l’évolution du climat, et déterminée à partir des données historiques de Copernicus, l’observatoire européen de la Terre, sur une période commençant en 1951.
Le niveau moyen de la mer, qui lui évolue dans le temps, est basé sur les projections du 6ᵉ rapport du GIEC. Plusieurs scénarios sont disponibles pour le scénario le plus pessimiste, par défaut nous utilisons le scénario le plus pessimiste : scénario d’émissions élevées (SSP5-8.5) à "niveau de confiance faible" (c'est-à-dire tenant compte de phénomène comme une possible dislocation de la calotte glaciaire antarctique que l'on ne sait pas encore modéliser précisément).
Une parcelle est considérée à risque de submersion pour un horizon donné si son altitude est inférieure ou égale au niveau maximal de la mer projeté sur cet horizon.
Cette méthode est comparable à celle que nous avions utilisé lors d'une étude du risque de submersion sur le marché immobilier français publiée en 2022, mais avec des projections plus récentes, et bien sur étendue à l'ensemble du cadastre et aux outremers.
Méthode d'évaluation du risque d'inondation côtière
Même si elle n'est pas située sous le niveau de la mer à marée haute, une parcelle peut être envahie par la mer lors d'événement climatique extrêmes, comme des tempête ou des cyclones, qui élèvent temporairement le niveau.
Pour cette évaluation, le niveau extrême de la mer de la mer est calculé en ajoutant à la hauteur maximale en conditions normales (calculée précédemment) une surcote, c’est-à-dire une élévation temporaire du niveau marin induite par une tempête.
Cette surcote est estimée à partir de projections climatiques correspondant au scénario d’émissions élevées SSP5-8.5, pour l’horizon 2050. Cette donnée est comme la marée maximale obtenue auprès de Copernicus. La valeur de la surcote retenue correspond à une marée de tempête décennale.
Une parcelle est considérée à risque d’inondation pour un horizon donné si son altitude est inférieure ou égale au niveau extrême de la mer projeté à cette échéance. Concrètement, cela signifie qu'à cette horizon la parcelle aura une probabilité d'être inondée de 10% par an ou plus.
Méthode d'évaluation du risque d'érosion côtière
Cette évaluation repose sur l’extrapolation du rythme d’érosion côtière observé au cours des dernières décennies à l’échelle de la période de projection.
Le rythme de recul du trait de côte est dérivé de l’indicateur national de l’érosion côtière, qui fournit une estimation de l’évolution passée du trait de côte. Cet indicateur est calculé par segments de 200 mètres de linéaire côtier, en comparant une position récente du trait de côte à une position plus ancienne connue, généralement relevée entre 1920 et 1951.
Les zones exposées au risque d’érosion sont délimitées en deux étapes :
Pour commencer nous identifions les segments de la côte pour lesquels l’indicateur d’érosion côtière est positif, indiquant un recul. Ces segments correspondent approximativement à 18% des côtes françaises, le reste étant soit au contraire en progression (12% des côtes) ou sans évolution perceptible.
Extrapolation du rythme de retrait observé à l’horizon temporel considéré. Par exemple, sur un segment où le recul moyen est de 2 mètres par an, la zone à risque pour l’horizon 2050 (soit 25 ans) s’étend sur 50 mètres vers l’intérieur des terres à partir du trait de côte actuel.
Une parcelle est considérée comme exposée au risque de recul du trait de côte si elle intersecte la zone à risque ainsi définie.
Validations de résultats et limites
Pour évaluer la fiabilité des résultats obtenus, nous les avons confronté à des zonages existants, en particulier :
Territoires à Risque d’Inondation (TRI), ce zonage fournit une cartographie précise des zones à risques d'inondation côtières mais il est extrêmement lacunaire : seule une petite fraction du littoral est couvert
Zones basses du littoral, une cartographie des territoire située à moins d'un mètre au-dessus du niveau de la marée maximale. Ce zonage, réalisé par le Cerema, est disponible partout mais ne tient pas compte de spécificités locales ou de l'évolution du climat.
Malgré des méthodologies différentes, les résultats montrent une cohérence remarquable, confirmant la robustesse de l’approche. Par exemple, au Havre, les zones identifiées comme à risque par Callendar recoupent largement celles des plans de prévention existants :

Malgré cette validation, la méthode mise au point comporte plusieurs limites connues :
Précision dans l’évaluation de l’altitude : L’utilisation du centre géométrique des parcelles ne tient pas compte d’éventuelles différences d’altitude au sein de la parcelle. Pour les parcelles à géométrie complexe, le centroïde peut se trouver à l’extérieur de la parcelle.
Extrapolation linéaire du recul du trait de côte : La méthode utilisée revient à considérer que le rythme de recul du trait de côte est constant entre le début du 20e siècle et la fin du 21e siècle. Il ne tient pas compte de différents facteurs susceptibles d’influencer cette évolution (aménagements, évolution du climat, alimentation sédimentaire…).
Protections côtières : Faute de données, il n’a pas été possible de prendre en compte les protections existantes (digues, murs de défense, enrochement…). Cela peut conduire à identifier comme à risque d’inondation ou de submersion des parcelles qui sont protégées contre ces phénomènes.
Des données au service d'actions concrètes d'adaptation
Ce qui distingue cette étude, c’est la combinaison d'une échelle géographique très fine et d'une couverture exhaustive. Jamais une telle analyse n’avait été menée à l’échelle de l’ensemble des côtes françaises, avec une précision permettant de savoir précisément si un terrain ou un bâtiment sont à risque.
De nombreuses applications sont envisageables pour ces données. Les collectivités littorales peuvent les intégrer ces données dans leurs Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET), les assureurs affiner leurs modèles de risque, et les gestionnaires d’infrastructures prioriser leurs investissements en fonction des zones les plus vulnérables...
Les particuliers intéressés par un bien immobilier proche de l'océan peuvent aussi savoir avec précision si la maison ou l’appartement de leur rêve est à risque et à quel horizon. Nous mettons à disposition une application en accès libre permettant d'évaluer les risques pour n'importe quelle adresse.
Nous avons pensé tous particulièrement aux territoires ultramarins, où la combinaison des cyclones, de l’élévation du niveau de la mer et de l’érosion rend les risques côtiers particulièrement sévères. Cette méthodologie offre un outil pour anticiper et limiter les impacts socio-économiques. En Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion, où les côtes sont densément peuplées et les économies souvent dépendantes du littoral, une telle précision est indispensable pour préparer l’avenir.
Vous souhaitez évaluer l’exposition de votre territoire ou de vos actifs aux risques côtiers ? Contactez-nous pour découvrir comment nos solutions peuvent vous accompagner dans votre stratégie d’adaptation.